Interview de Mr Roger Fiasson


Certaines personnalités, quelques soient leurs sensibilités politiques, ont marqué Saint Étienne. Mr Roger Fiasson, humaniste, militant communiste, laïc convaincu, écrivain, fait parti de ces personnes.
Même si il est aujourd’hui très affaibli et amer par rapport à la situation actuelle de Saint Étienne, il a gardé sa vivacité d’esprit et son coeur de révolté. Même si je l’ai croisé dans différentes manifestations, c’est un honneur pour moi qu’il m’ait permis à nouveau de le revoir et de l’interviewer, malgré sa grande fatigue et je l’en remercie encore.

Bonjour Roger, tu es né le 6 juillet 1934 dans un quartier ouvrier de Saint-Étienne, Côte-Chaude, sur lequel tu a écrit trois livres. Peux-tu, en quelques phrases, nous en parler ?

Côte-Chaude, même si il est difficile de se l’imaginer aujourd’hui, tant les différentes municipalités stéphanoises qui ont succédé à celle de mon ami Joseph Sanguedolce, l’ont abandonné, était un quartier très vivant. C’était un quartier ouvrier composé de commerçants, d’artisans, de mineurs puis de passementiers. De nombreux métiers ont disparu mais auraient pu être remplacés par d’autres. Il y avait aussi une forte vie associative qui n’existe pratiquement plus aujourd’hui. Les commerces de proximité ont également disparu. Les élus ne s’intéressent plus à ce quartier qu’au moment des élections où ils viennent serrer la main à tout le monde.C’est malheureux de voir les jeunes de ce quartier en désespérance avachis sur les trottoirs autour de la place.

Selon toi, pourquoi y-a-t il autant de violences aujourd’hui, dans ce quartier et, étant donné que tu as toujours été un homme de terrain, que, pendant cinquante ans, tu as été administrateur bénévole de l’Amicale Laïque du quartier de Côte Chaude, que tu suis encore aujourd’hui l’actualité locale de ce quartier qui te tient très à coeur, as-tu des idées à apporter pour qu’elles cessent?

Les jeunes n’ont pas de travail, ils n’ont pas d’endroit où se retrouver. Beaucoup d’entre eux ne connaissent pas les dangers de l’alcool et de la drogue. La répression ne devrait pas être l’unique solution apportée par la municipalité. Côte-Chaude a besoin d’être revitalisé. Il faudrait aider ces jeunes à trouver du boulot, discuter avec eux. Le respect doit s’apprendre. D’une façon plus générale, car la violence n’existe pas qu’à Côte-Chaude, Il y aurait tout un travail à réaliser avec les collèges et les lycées. Quand on fait remarquer certaines choses aux personnes de manière respectueuse, elles écoutent. Les élus, actuellement, montrent un profond mépris pour ce quartier. Ils ne viennent ici à Côte chaude que pour se faire prendre en photos lors des manifestations commémoratives et les assemblées annuelles de l’Amicale. Comment apprendre le respect aux jeunes quand même les élus ne les respectent pas ?

Mr Perdriau dit qu’il ne peut rien faire pour les associations car les contrats aidés ont été supprimés par l’État. Que lui répondez-vous ?

Je lui réponds qu’en tant que maire de Saint Étienne, il a sa part de responsabilité, qu’au lieu de financer de très grands projets pour en mettre plein la vue à tout le monde, il pourrait choisir de soutenir les petites associations de la ville, les amicales laïques qui font vivre les quartiers. Il y en a assez d’entendre que, lorsqu’une chose est bien faite à Saint Étienne, c’est grâce à Perdriau et, éventuellement, à son équipe municipale et que, lorsque les choses ne sont pas faites ou sont faites de travers, c’est à cause de l’État. Un maire a aussi une grande part de responsabilité dans le bon fonctionnement de sa ville !

En 1961, tu es entré à la SNCF comme employé aux écritures , puis tu es devenu commis de marchandises. A la même époque, tu as aussi rejoint la CGT…

Oui, j’ai rejoint ce syndicat car, à ce moment-là, tout le monde était syndiqué et j’avais des amis à la CGT. Nous avions besoin de nous regrouper pour défendre nos droits et combattre les injustices que nous ne supportions pas.

Toi qui as écrit 3 ouvrages sur les grandes luttes des cheminots depuis 1895 et la première grande grève, que penses-tu des grèves qui ont eu lieu cette année à la SNCF ?

Je ne sais pas. Les gens ont besoin de se défendre. Il est normal qu’ils fassent entendre leurs voix mais le pouvoir ne les écoute pas.

Ton engagement syndical t’a amené à être l’un des principaux dirigeants de mai 1968 dans la Loire, peux-tu me raconter cette période à Saint Étienne ?

Oui, Louis Berton s’occupait des cadres et moi d’aider ceux qui ne l’étaient pas à s’organiser. Les conditions n’étaient pas faciles. Nous ne voyions que très peu nos familles. Pendant les grèves, les conditions sont extrêmement difficiles sans argent. Il faut vraiment s’organiser et savoir prendre les bonnes décisions au bon moment.

De 1977 à 1983, tu as été un élu municipal sous la direction de Joseph Sanguedolce. La nomination à la mairie d’un ancien mineur, d’un homme issu du peuple, raillé par les bourgeois de Saint Étienne, avait une forte connotation symbolique. Joseph Sanguedolce était à l’image du passé minier de Saint Étienne et, même si il n’a pas pu faire tout ce qu’il souhaitait en tant que maire, il s’est vraiment battu pour Saint Étienne. Que penses-tu du maire actuel, Mr Perdriau ?

C’est un arriviste qui joue sur la communication pour maintenir son pouvoir. Les bulletins municipaux, par exemple, ne deviennent pour lui et son équipe, que des tracts électoraux ! Il y a une très grande différence entre la mise en avant qu’il fait de son « travail » et la vraie situation de Saint Étienne. « Mon parti c’est Saint Étienne » est une formule publicitaire qui ne veut rien dire. Un parti non partisan avec un maire républicain vendu à Wauqiez à sa tête, c’est du n’importe quoi !

Vendu à Wauquiez, tu es un peu dur…

Non, je dis ce qui est. En Juin, Wauquiez a acheté Perdriau en lui donnant 36 millions d’euros supplémentaires pour la ville de Saint Étienne. Quand un président de région donne à un maire une somme si conséquente, le maire lui est forcément redevable.

Cet argent est quand même une bonne chose pour Saint Étienne ?

Oui mais il va surtout servir à la rénovation de grands équipements comme la patinoire et le parc des expositions par exemple… qui permettront une fois de plus à Monsieur Perdriau de se faire de la publicité, en disant : « Voilà ce que j’ai fait pour Saint Étienne ». Les petites associations, toutes les petites structures n’en bénéficieront pas.

Comment envisages-tu l’avenir de Saint Étienne ?

Je le vois noir comme le charbon.

2 Commentaires

  1. Intéressant ce monsieur. Il a l’air d’avoir vécu de sacrées choses !

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