Interview de Mme Andrée Taurinya

Bonjour Andrée, peux-tu te présenter à nos lecteurs ?

Je suis née à Toulouse il y a 56 ans. J’y ai commencé mes études que j’ai terminées à Paris. Je suis
professeure de lettres modernes depuis 1990. Avant d’arriver à St-Etienne en 1997, j’ai débuté ma
carrière d’enseignante en région parisienne, comme titulaire remplaçante sur une zone incluant
Mantes la Jolie, Meulan et Les Mureaux. La découverte de la réalité du quotidien des jeunes de
banlieue a conforté ma vision du rôle essentiel de l’Ecole. C’est donc avec plaisir que j’ai reçu ma
nomination en 1997 pour le collège Jean Dasté, classé en Education Prioritaire. D’autant plus que ce
collège porte le nom d’une grande figure du théâtre, théâtre que j’ai longtemps pratiqué en région
parisienne et à St-Etienne, dans la troupe du TGV (théâtre de le Grille Verte). Je poursuis
aujourd’hui cette activité mais avec mes élèves du club théâtre. Mes 2 enfants sont nés en région
parisienne mais ont grandi ici. Ils sont maintenant étudiant/es.
Tu es une femme très engagée que ce soit dans ton collège mais aussi au niveau associatif et
politique puisque que tu t’es présentée en 2017 aux législatives au nom de la France Insoumise où
tu as failli être élue dans la 2ème circonscription de la Loire. A quand remonte tes premiers
engagements et d’où te vient ce désir de t’impliquer autant au service des autres ?
J’ai été élevée dans le militantisme. Je me reconnais tout à fait dans le film « Tout le monde n’a pas
eu la chance d’avoir des parents communistes ». Mes grands-parents maternels étaient Républicains
espagnols et ont poursuivi leurs activités militantes en France; mes grands parents paternels étaient
résistant-e-s, militants communistes, syndicaux. Mes parents ont été des militants communistes très
impliqués, non sectaires, n’hésitant pas à s’écarter de la « ligne » quand celle-ci ne leur paraissait pas
conforme à leurs idées, ce qui leur a valu parfois des déboires au sein du PCF. J’ai été nourrie des
luttes contre toutes les formes d’injustice, de racisme. C’est tout naturellement que je me suis
engagée dès 14 ans aux Jeunesses Communistes, puis à l’UEC (Union des Etudiants Communistes)
et à l’UNEF. Mon premier engagement fort de lycéenne a été de soutenir BobbySands qui
malheureusement n’a pas survécu à la grève de la faim qu’il avait entamée pour obtenir le statut de
prisonnier politique sous Thatcher. Au niveau « hexagonal » ma 1ere lutte syndicale s’est portée
contre la loi Devaquet qui prévoyait (déjà!) l’autonomie des universités, mobilisation dans laquelle
malheureusement Malik Oussekine a perdu la vie.
Quelles sont les luttes qui aujourd’hui te tiennent le plus à coeur ?
La liste est bien longue, hélas! Y a-t-il un nombre limité de caractères dans ton article? Il y a tant de
menaces sur l’environnement, tant de régressions sociales, tant de précarité, de pauvreté en France
et dans le monde!

Préserver notre maison commune-la planète Terre me paraît incontournable vu que si rien n’est fait,
cela ne sera plus nécessaire de se battre sur tous les autres tableaux. Mais tout reste lié à mon avis.
Que l’on demande à chacun-e d’avoir une attitude « éco-responsable », c’est nettement insuffisant.
Loin de culpabiliser la/le FrançaisE moyen-ne, il faut revoir tout notre système de production, en
finir avec les logiques du chiffre, des profits qui nuisent à la santé et au bien être de toutes et de
tous. C’est un combat global qu’il faut mener, d’où mon engagement politique à la France Insoumise
dont le programme « l’Avenir en commun » fait cette connexion.

Aujourd’hui, je mets toute mon énergie pour le retrait du projet de réforme des retraites. C’est un
recul que je n’aurais jamais imaginé au début de ma vie militante! Après 1995, on a pu respirer un
peu avant de reprendre la mobilisation en 2003 mais en vain. Et puis le gouvernement de Hollande
a lui aussi rallongé la durée de cotisation pour la porter à 42 ans. Là, en 2020, c’est tout notre
modèle social qui est remis en cause! Il y a urgence à faire reculer le gouvernement Macron et sur
bien d’autres sujets encore!

Je suis très mobilisée pour défendre l’Ecole de la République. Mais c’est un combat qui ne date pas
d’aujourd’hui car hélas le caractère républicain de notre système scolaire a commencé à être attaqué
depuis longtemps! Et les dernières réformes, celle du collège portée par le gouvernement PS comme
celle du lycée portée le gouvernement Macron ont intensifié ces attaques et déroulé le tapis rouge au MEDEF
pour faire entrer ce syndicat des gros patrons dans l’Ecole.

Une autre question me tient à coeur: l’égalité F/H dans notre société, la dénonciation des

féminicides. Là aussi, c’est un sujet bien ancien et c’est justement parce qu’encore en 2020 il existe
autant d’inégalités, autant de femmes victimes d’assassinats, de viols, d’agressions de toutes sortes
(physiques, harcèlement moral…) que ce problème, ou plutôt ce drame me paraît être celui qui
devrait retenir l’attention de toutes les formations politiques afin d’y remédier et rapidement.

Enfin, il y a le soutien aux réfugié-e-s. J’emploie sciemment ce terme que je préfère à celui de
« migrants ». Mes grands-parents ayant été eux-mêmes réfugiés, je suis indignée de voir les
conditions dans lesquelles vivent ces familles qui n’ont pas eu d’autres choix que de fuir leur pays. Il
y a 5 ans, j’ai découvert que plusieurs élèves de mon collège vivaient avec leur familles dans des
hébergements précaires, voire à la rue. Avec mes collègues , nous avons créé une association que je
préside, pour leur venir en aide.
Quand beaucoup de « politiciens » font de la politique que j’appellerai « électoraliste », je sens chez
toi une vraie flamme, l’envie de changer les choses. Tu me sembles parler vrai avec les mots du
coeur. Pour toi, qu’estce que la politique et comment souhaiterais-tu qu’elle soit exercée ?
Pour moi, la politique c’est ce qui décide de notre quotidien. Toutes les décisions politiques ont des
répercussions sur la vie de chacun-e. Quelques exemples: notre alimentation, avec ou sans
pesticides, avec ou sans glyphosate? Nos conditions de travail: dimanches chômés ou pas? semaine
à 35h, 40h, 50h? Notre santé: médicaments remboursés ou pas ou partiellement? Et dans l’actualité
brûlante: nos retraites à quel âge? avec quel montant de revenus? C’est bien la politique qui permet
de répondre à ces questions. C’est notre vie qui en dépend. Alors elle devrait être exercée en pensant
à l’ensemble de celles et ceux qui en verront les conséquences dans leur vie quotidienne, avec un
seul objectif: le bien commun! Et pour cela, il faudrait t que chaque citoyen-ne puisse s’impliquer.
Les institutions de notre V° République ne le permettent guère, c’est pourquoi je milite pour la
convocation d’une assemblée constituante avec une part d’élu-e-s et une part de citoyen-ne-s tiré-e-s
au sort, qui redéfinirait ces institutions en créant une VI° République.
Andrée , toi qui crois en la politique, au sens noble du terme, tu as peut-être envie de délivrer un
message à toutes les personnes qui sont complètement dégoûtées par la politique, à tel point que
certaines ne sont même plus inscrites sur les listes électorales, qui pensent que tous les politiciens
sont pourris et qu’en tant que citoyennes, elles n’ont aucun rôle à jouer dans les décisions politiques
qui pourtant les concernent ? 

Aujourd’hui en effet le terme « politicien »est péjoratif et pour cause! Il y a tant d’exemples
d’hommes et de femmes engagées dans la politique pour assouvir leur égo ou leur porte-feuille! Et
tant d’élu-e-s oublient leurs promesses électorales sitôt leur mandat en poche!Personne ne peut
oublier Hollande, jurant la main sur le coeur « Mon ennemi, c’est la finance » et choisissant
finalement comme Premier Ministre un homme sortant de la banque Rotschild! Comment ne pas
être dégoûté-e? Cette réaction de dégoût, je la trouve plutôt saine! Mais le dégoût ne doit pas
conduire à la passivité, bien au contraire! Comme je l’expliquais plus haut, la politique plante le
décor de nos vies, alors il faut s’en emparer, bâtir ce décor et ne pas le laisser à celles et ceux qui ne
roulent que pour leurs intérêts. Si on ne le fait pas, on est voué à subir des conditions de vie de plus
en plus dures. Les médias qui font le jeu des politiciens présentent la politique comme inaccessible
aux citoyen-ne-s en nous imposant à longueur d’antenne, des « experts ». Ils font ainsi croire que pour
faire de la politique il faut avoir fait des études en économie ou à Sciences-Po. Pour quelle raison?
Précisément pour que les gens se détournent de la politique, des urnes: les grands de ce monde n’ont
aucun intérêt à ce que les petites gens que nous sommes se mêlent de politique, se présentent à des
élections, aillent voter. Les Bernard Arnault, les Bettencourt…tous les puissants qui sont dans les
coulisses de l’Elysée ne s’y trompent pas, elles et ils sont bien inscrit-e-s sur les listes électorales et
voteront. Pour renverser cette minorité, il faut en passer par les urnes.

Un grand merci à toi Andrée

Merci Fabrice

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