Interview de Mr Vincent Bony militant écologiste

Bonjour Vincent, peux-tu te présenter aux lecteurs qui ne te connaissent pas… Quel est ton parcours ?

J’assume mon coté peut être un peu « Bobo » : propriétaire d’une maison, sans problème de fin de mois, aux racines catho de gauche, scout de banlieue parisienne « classe moyenne », j’ai été dés l’adolescence passionné par la non-violence et l’histoire de Gandhi et King, puis par les coopératives comme alternatives qu’elles me semblent pouvoir incarner par rapport à la logique capitaliste… Après avoir été éducateur en centre d’hébergement de famille à Saint Etienne, en prévention à Monchovet puis Firminy, puis en milieu ouvert sur l’Ondaine, j’ai décidé de monter une coopérative de distribution de produits de l’agriculture biologique en cogestion associant consommateurs.trices, salariés et producteurs.trices, sans rémunération du capital, avec égalité de salaire en rapport avec le temps travaillé, développement de la décision collective, et implication de bénévoles au coté des salarié.e.s… Démarrer humblement dans un ancien ancien local commerciale au pied d’un HLM à la Ricamarie, la coopérative a eu la chance de pouvoir s’installer dans un local plus adapté à Firminy, solidarité coopératrice aidant, et d’entrer ensuite dans le réseau Biocoop. J’en ai été gérant pendant 10 ans, en assumant le rôle de boulanger y fabriquant le pain bio au levain après avoir passé le CAP obligatoire pour développer cette activité dans la coopérative. Aujourd’hui la coopérative Les Artisons a évoluée en SCOP et est gérée par tous les salarié en CDI qui le souhaitent, en lien avec une coopérative sœur qui regroupe tou.te.s les consammaters.trices et producteurs.trices qui souhaitent s’impliquer dans le projet, son quotidien et son évolution.

Laissant l’équipe des Artisons suivre sa route, je suis maintenant embauché par la Monnaie locale Le LIEN à temps partiel et je passe une bonne part de mon temps à chercher ce que je peux faire de plus utile, avec les moyens qui sont les miens, pour tenter d’éviter le cataclysme qui s’annonce en terme de réchauffement climatique et de destruction des écosystèmes qui nous font vivre, si nous ne faisons rien.

Bien que passionné par tout ce que l’on peut faire localement en dehors de la logique du profit et hors système hiérarchique, et très motivé par la mise en œuvre d’alternatives à échelle humaine, là où je vis, j’ai pris conscience du plan très organisé par les puissances de l’argent à l’échelle internationale à l’occasion de mon engagement dans la lutte contre le TAFTA et les accords de libre échange. Sur tous les continents, ce système tout-puissant, ayant pour finalité et motivation de multiplier les profits d’une petite minorité, s’approprie l’ensemble de ce qui est essentiel aux populations aux dépens assumés de la grande majorité de l’humanité. Même la destruction des services publics est une stratégie globale s’inscrivant dans une détermination  internationale de privatisation des services… Tous les États, quelque soit leur tendance politique sont maintenant quasi totalement soumis au dictât imposé par les multinationales et les grands investisseurs de la finance spéculative, maîtres quasi absolus de l’économie et la croissance, et dont dépend notre mode de vie généralisé et mondialisé. Plutôt que de s’organiser pour la lutte, chacun préfère ménager le penchant vampirique de ce système infernal pour garantir le maintien de la gabegie énergétique et technologique qui nous envahit, en nous apportant un léger goût de liberté, malgré l’amertume de l’exploitation des humains et des ressources jusqu’à la destruction organisée. Les appels à la raison se limitent ainsi à une recherche de développement durable ou de croissance verte, que l’on voudrait plus juste ou plus solidaire, alors que le seul moteur d’évolution du système en place est la croissance des dividendes des actionnaires.

En tant que militant très engagé au service de l’environnement, crois-tu au « capitalisme vert » comme certains politiciens « écologistes » proches de Macron ?

Je ne crois nullement que monsieur Macron ou proches puisse être des politiciens écologistes. Quel que puisse être le niveau de la conscience personnelle de Mr Macron concernant la gravité de la situation planétaire, sur le plan climatique ou du saccage des écosystèmes qui nous font vivre, dans la droite ligne de ses prédécesseurs, il s’est mis au service du profits des maîtres de l’économie et de la finance nationale et internationale, avec une détermination accrue faut-il le dire.

Mais globalement, et indépendamment de la tête des politiciens qui nous dirigent ou nous dirigeront, Je ne pense pas qu’il y ait une quelconque chance d’inverser la logique folle qui nous détruit, à une vitesse accélérée et exponentielle, sans faire front à la toute-puissance des multinationales. En s’appuyant sur un rapport de force émergeant et organisé à l’échelle planétaire, il faudrait ‘’re’’mettre la justice dans le bon sens, au service du plus grand nombre et mettre les responsables de l’autodestruction humaine en état d’arrestation, pour les juger et les faire payer les sommes qu’ils possèdent et qui permettraient de construire le monde tel qu’il doit devenir si nous voulons suivre, en assurant les besoins essentiels pour toutes et tous, sans laisser quiconque sur le bord du chemin…

Nous n’en sommes assurément pas là. Pourtant, l’enjeu est de construire au plus vite cette incontournable force citoyenne porteuse d’un projet économique et politique, écologique, démocratique et solidaire alternatif et radicalement en rupture avec ce que nous connaissons aujourd’hui. Sans quoi, l’humanité n’a que peu de chance d’éviter son extinction qui risque fort de passer par une situation de chaos et de violence sans précédent.

Peux-tu nous parler d’Alternatiba ?

Alternatiba est un mouvement qui souhaite allier le développement des alternatives concrètes sur les territoires avec la lutte déterminée pour le climat par l’action 100 % non-violente. C’est la détermination de cette génération fortement consciente qu’elle est la dernière à pourvoir changer le cours de l’histoire qui nous est tracée, qui me mobilise particulièrement et me donne envie de me joindre pleinement à elles et eux.

Le 26 avril, tu as été placé en garde à vue pour avoir décroché le portrait de Macron à la mairie de Sorbiers et tu risques une peine de prison et une grosse amende à cause de ce geste. Savais-tu en enlevant ce portrait que tu risquais autant et pour quelles raisons as-tu pris ces risques ?

C’est un des principes de la non-violence que d’accepter à visage découvert les risques liés aux actions que nous menons. L’objectif n’est pas de s’attaquer au système en l’affrontant directement là où il est le plus fort et le plus violent. L’idée est de le pousser dans ses contradictions en devant juger des militants non-violents qui assument ce qu’ils font au nom de l’intérêt collectif relatif à la survie de l’humanité alors qu’il donne tous les droits aux puissances du profit qui nous mènent à l’hécatombe…

La question qui se pose, dans ce type d’action, est de savoir jusqu‘où nous sommes prêt.e.s à assumer les conséquences juridiques qui peuvent suivre. La question des sommes potentiellement importantes que le système peut être vouloir nous faire payer si nous montons en intensité d’action est une question que nous devons prendre en compte. Dans ce type d’action, c’est assurément l’élan de solidarité citoyenne qui prend en charge les frais, mais il est important de bien réfléchir aux actions que nous menons pour éviter d’étrangler le mouvement par des conséquences trop lourdes à porter… La désobéissance civile non-violente doit-être réfléchi comme stratégie d’action. Il faut peser les enjeux, les forces et les faiblesses en jeu, et tâcher de faire les meilleurs choix. Pour l’action de décrochage de portrait présidentiels dans les mairies, on voit bien l’aspect très symbolique de l’acte, dont la dimension délictueuse est très faible. Et pourtant cela déclenche la furie des autorités… La justice doit trancher. Suite au premier procès à Bourg en Bresse fin mai, 500 euros avec sursis ont été retenus contre les prévenus et aujourd’hui le procureur fait appel, voulant des sanctions beaucoup plus importantes et dissuasives… Nous sommes en plein bras de fer symbolique sur des positions de principes, sans gravité dans les faits mis en œuvre… Cela fait écho dans la presse. Les actes ainsi assumés touchent les gens dans l’esprit et dans le cœur.. C’est ce que nous voulons.

Notons que les décrochages de portrait d’Emmanuel Macron suscite une réaction des institutions que nous n’osions imaginer ou espérer. Depuis le 21 février, pour 64 portraits présidentiels réquisitionnés, 99 personnes ont été auditionnées, 61 placées en garde à vue, 50 perquisitionnées à leur domicile, le gouvernement a saisi le bureau de lutte anti-terroriste, et 36 personnes sont aujourd’hui poursuivies avec 11 procès programmés… C’est donc un bras de fer qui s’engage, sans risque extrême nous concernant. Notre détermination et notre attitude délibérément 100 % non-violente rend notre action sympathique.. Et l’État se trouve pris au piège. Plus ils vont nous réprimer, plus l’aberration de leurs réactions va être reconnue et médiatisée, plus la raison de notre mobilisation par rapport à l’urgence climatique écologique et sociale va être entendue, plus leur propre inaction va être rendu visible et plus nos actions vont faire des adeptes…

Je tiens à préciser que si nous avons pris le symbole du président de la République comme cible, ce n’est en rien par ce que nous pensons que le président Macron va faire mieux que les précédents en la matière, mais bien pour dire que malgré les discours, la logique infernale reste en pleine toute-puissance, avec l’appui des institutions et des élus… Il ne suffirait en aucun cas de changer de tête de gouvernement pour changer la situation. C’est le système qui nous détruit dont il faut nous défaire. C’est un immense défi à relever toutes et tous ensemble en peu de temps. C’est ce qui nous motive à prendre des risques. Et cela ira nécessairement en grandissant, pour réveiller les gens autant que les élus et les institutions. Mais la cible, c’est bien la toute puissance du système qui nous détruit et non le comportement des gens que l’ensemble du système en place s’efforce de stimuler et de soutenir pour continuer à enrichir les plus riches et les plus responsables du désastre engagé…

Sur facebook, tu invites les gens, en dehors de tout esprit partisan, à réfléchir à l’opportunité de constituer une force au service de l’intérêt collectif et de la sauvegarde de notre humanité. Cela m’intéresse car, à Sainté Debout, nous sommes dans la même démarche. J’ai vu que tu invitais les gens à réfléchir autour de 3 thèmes. Peux-tu en parler à nos lecteurs ?

Je propose que cette force citoyenne, qui me semble incontournable si nous voulons offrir un avenir à nos enfants, puisse se constituer autour de trois axes principaux :

  1. la construction d‘une alternative économique, écologique, sociale et citoyenne globale, à partir d‘initiatives répondant aux besoins quotidiens des gens, constituant des ancrages forts sur les territoires et ouvrant la voie à un changement profond de système : développement d‘écosystèmes coopératifs fondés sur la mise en commun et la gestion collective des ressources et des projets permettant de répondre aux besoins essentiels des populations locales, sans profit de quiconque aux dépens des autres…

  2. le développement d‘actions de pression, menées dans une logique de complémentarité, allant des pétitions, actions de lobbying citoyen, marches, manifestations, jusqu‘aux actions de désobéissance civile non-violentes, à l‘égard des institutions en place ou visant les lobbies financiers devenus tout-puissants sur les choix politiques et institutionnels à l‘échelle de la planète, en vue de créer un rapport de force citoyen, à la fois large, radical et non-violent, capable d‘imposer le changement nécessaire…

  3. la construction d‘une stratégie citoyenne commune, dépassant les clivages entre partis politiques et organisations citoyennes, en vue de gagner les élections présidentielles de 2022, avec l‘objectif d‘aboutir à un changement de constitution à la hauteur des enjeux, établissant les nouvelles règles institutionnelles mettant les citoyennes et citoyens au cœur des décisions essentielles, remettant la justice dans le sens de l‘intérêt collectif et inscrivant l‘état d‘urgence climatique, écologique et social comme pilier central de la mutation impérative à concrétiser si nous voulons donner une chance à la vie pour les humains de demain…

L’idée est d’agir à la fois sur la construction collective des moyens de vivre dans nos villes, nos quartiers ou nos villages, en faisant rupture avec le système qui nous détruit, sur les moyens stratégiques à mettre en œuvre pour créer un rapport de force citoyen grandissant et sur le moyen de prendre les rênes institutionnelles, au-delà des communs, au niveau national, par un changement de constitution inaugurant le changement de système nécessaire.

Il y a des propositions et des projets concrets derrière ces propositions, des initiatives et des réflexions déjà mûries par différentes personnes, différents groupes ou différentes organisations. Je souhaite simplement ouvrir la réflexion commune sur comment tout cela pourrait prendre forme et force, du local à l’international… C’est ambitieux et peut être peu réaliste, mais je pense que nous n’avons pas le choix, sauf à garder la tête dans le sable…

La première réunion d’échange ouverte à toutes et tous, aura lieu le 9 juillet à 18h30 au local de Sainté Debout au 15 rue Jules Janin

Merci Vincent

merci à toi Fabrice