Interview de Mr Thierno Souleymane DIALLO, réalisateur du documentaire « Nô Mëtî Sîfâdhe »

Bonjour, Monsieur Thierno Souleymane DIALLO, pouvez-vous vous présenter en quelques lignes ?

je suis auteur réalisateur de cinéma documentaire

Vendredi 26 avril à 18h30 à l’Amicale Laïque de Chapelon, vous allez présenter un de vos documentaires intitulés : « Nô Mëtî Sîfâdhe », pouvez-vous nous le présenter ?

« Nô Mëtî Sîfâdhe », en poular signifie « Difficile à raconter » il s’agit d’un film documentaire où j’ai rencontré des jeunes mineurs non accompagnés à Bordeaux. Pendant 8 jours, j’ai eu des échanges fructueux avec ces derniers avec une liberté de parole : Ils m’ont raconté sans crainte d’être jugés leurs parcours migratoires de la Guinée jusqu’en France et surtout ce qu’ils vivent en France. En effet, en Guinée, nous n’avons pas de retours d’informations sur le périple administratif, social auxquelles sont confrontés ces jeunes mineurs non accompagnés sur le territoire national et, surtout dès qu’ils ont traversé la méditerranée. Une fois arrivés en Europe, en France en particulier, nous ne disposons plus d’informations sur ceux qui ont tenté l’aventure migratoire : cela reste un mystère total. Ces derniers ne communiquent que des photos d’eux devant des belles voitures, de belles maisons en nous disant que « L’Europe est belle » et la réussite sociale, économique à leur portée de main.

Mais moi, par mon métier, je suis amené à faire des allers retours et le constat de cette migration est très amer.  Et, d’ailleurs, j’ai été sollicité par l’association Guinée Solidarité Bordeaux pour réaliser un documentaire sur cette thématique. Au début, je n’étais pas très partant car cela reviendrait faire un énième documentaire sur l’histoire des migrants alors que tout parcours migratoire appartient à une trajectoire individuelle. Raconter une histoire sur les migrants n’était pas facile pour moi à aborder. Toutefois, lors de mes voyages entre la France et la Guinée, j’ai été confronté à une situation qui m’a perturbé quelque peu :  à la gare du Nord à Paris, j’ai remarqué un jeune africain noir qui était couché et quelques jours plus tard, je suis repassé à la même gare du nord, toujours ce même jeune africain noir couché à la gare du nord. (Une fois, deux fois, trois fois à ce même endroit couché à la gare du Nord). Je me suis alors interrogé : sa famille en Afrique, connaît-elle sa vraie situation ; elle doit être persuadée qu’il vit bien en Europe alors que cela ne reflète pas la réalité des faits. J’ai voulu alors libérer cette parole : pour moi, ce jeune africain est emprisonné en Europe. La trame du documentaire s’est construite ainsi : les jeunes arrivés à bon port se doivent de nous expliquer ce qu’ils vivent et cela permet alors à ceux qui envisagent de tenter l’aventure d’avoir une idée de ce qu’est vraiment les conséquences de la migration en Europe. Ils seront à quoi s’attendre : la possibilité de dormir dans la rue, de ne disposer de lieu pour s’alimenter, se vêtir correctement…vivre tout simplement. Libérer cette parole emprisonnée en Europe : la réussite de la migration n’est pas si évidente et certaine pour tous.

Vous a-t-il été facile d’interviewer les migrants qui s’expriment dans votre documentaire ? Se sont-ils facilement confiés à vous ?

Les jeunes se sont exprimés auprès de moi dans un rapport de confiance car nous étions de la même origine et nous avions une langue commune qui a facilité les échanges. J’étais perçu par eux comme un frère et la parole s’est ainsi libérée pour ne communiquer par la force des images des faits réels.

Que pensez-vous personnellement de l’immigration illégale ?

L’immigration illégale amène des situations de vies intolérables et non dignes de l’Humanité comme l’exploitation, la traite humaine, l’esclavage. Et ce qui devrait être combattu ce sont ces personnes qui font un business de la mort, de l’immigration clandestine et ses conséquences. Des personnes s’enrichissent au détriment de l’avenir de milliers de jeunes africains qui devraient poursuivre une scolarité normale, apprendre un métier, réaliser une formation pour préparer la relève de demain en Guinée notamment. Et ce qui me désole :  nous voyons défiler une génération de jeunes prêt à tout pour tenter l’aventure migratoire pour un chemin dont l’issue est très incertaine.

Dans votre documentaire, vous décrivez une réalité mais avez-vous eu envie de transmettre un ou plusieurs messages lorsque vous l’avez réalisé ?

Il est possible de migrer dans le but d’acquérir un bagage intellectuel, l’apprentissage d’un métier, d’une formation qualifiante et ainsi envisager un retour au pays dans une optique de développement. Aussi le message à véhiculer s’adresse à ceux qui accueille ces jeunes mineurs migrants : aider c’est bien mais cela a des limites car l’accompagnement doit permettre à arriver à une certaine autonomie sociale, culturelle… et ces jeunes, au regard du contexte actuel, risque de se trouver confronter à des réalités socio-économiques péniblement surmontables. Il ne faudrait pas tomber dans un système de misébéralisme comme par exemple ces jeunes sont poussés vers des voies de garage avec une employabilité et une insertion sociale difficile Il serait bien aussi que les structures, citoyens qui accueillent ces publics anticipent sur l’avenir de ces jeunes MNA à la sortie du dispositif de l’Aide Sociale à l’enfance. Une responsabilité collective doit se mettre en œuvre pour éviter que des générations de jeunes soit des proies au banditisme, à l’exploitation, à la prostitution, à la précarité de l’emploi, au non-retour au pays d’origine coincés en Europe…

Merci beaucoup d’avoir répondu à mes question

Merci à toi Fabrice