Allaoua Bakha : récits, musique et engagement (1ère partie)

Allaoua et moi nous connaissons depuis plusieurs années, et chaque rencontre avec lui est un mélange de récits, de souvenirs et de réflexions. Il y a quelque temps, je lui ai proposé de l’interviewer, tant je trouve son histoire passionnante. Il a accepté avec beaucoup de gentillesse. Il m’a invité chez lui et, très naturellement, notre échange s’est installé dans une atmosphère chaleureuse et complice.

Très vite, il a commencé à me raconter son histoire : un parcours où s’entrelacent musique, engagement social et vie de quartier. À mesure qu’il parlait, le fil de ses expériences se dessinait avec une clarté presque évidente.

Je pensais au départ réaliser un reportage mais les mots d’Allaoua se sont enchaînés, portés par la mémoire, entrecoupés de mes questions, ouvrant sans cesse de nouvelles pistes. Je me suis rapidement rendu compte qu’un seul article ne suffirait pas à restituer la richesse de ce parcours. C’est pourquoi je vous propose, sur Sainté Debout, de suivre une série d’articles consacrés à cet homme, à son histoire et à ce qu’elle nous dit encore aujourd’hui.

« Iznaguen : la musique comme espace de réflexion et d’émancipation

Né en 1954 à Saint-Étienne, dans une famille kabyle, Allaoua Bakha grandit dans un contexte profondément marqué par l’histoire migrante et les tensions liées à la guerre d’Algérie.

Très tôt, la musique s’impose à lui comme un langage à part entière, un moyen de dire ce qui ne trouve pas toujours sa place dans l’espace public. Dans les foyers, les cafés, les réunions familiales, les chants kabyles circulent, porteurs de mémoire, de douleur, mais aussi de fierté. En parallèle, Allaoua découvre d’autres univers musicaux, nourris par les influences de son époque, les Doors, Neil Young, Ferré, Brassens, Ribeiro… et bien sûr Idir. Cette double culture façonne peu à peu sa sensibilité : la musique n’est pas seulement un art, elle devient un outil pour comprendre le monde et s’y situer.

En 1976, avec des proches, il fonde le groupe Iznaguen. Le choix du nom n’est pas anodin : il affirme une identité, une filiation culturelle, mais aussi une volonté de faire entendre une parole singulière. « Iznaguen » est un mot berbère (Kabyle) qui signifie « racines » mais aussi « ceux qui sont enracinés », il renvoie à l’attachement aux origines, à la mémoire et à l’histoire.

Pour le groupe d’Allaoua Bakha, Iznaguen exprime donc à la fois la fidélité à une culture et la volonté de construire quelque chose de vivant là où il se trouve.

Le groupe Iznaguen propose une musique qui questionne, qui bouscule, qui invite à remettre en cause ce que beaucoup considèrent comme normal ou évident dans la société. Les textes, souvent chantés en kabyle, abordent des thèmes sociaux, culturels et politiques. Ils parlent d’exil, de dignité, de domination, de solidarité, mais aussi d’espoir. À travers la musique. Allaoua et les membres d’Iznaguen donnent voix à celles et ceux que l’on entend peu, et rappellent que la culture peut être un lieu de résistance douce, un espace où l’on pense autrement le rapport au pouvoir, à l’identité et au collectif.

Cet article n’est qu’une première porte d’entrée dans le parcours d’Allaoua Bakha, à travers la musique et l’aventure d’Iznaguen, qui ont constitué pour lui un espace d’expression, de réflexion et d’émancipation mais cette histoire n’est que le début d’une formidable aventure humaine. Dans un prochain article consacré à Allaoua, je vous parlerai de ses engagements politiques, de ses prises de position et des nombreux voyages qui ont jalonné son chemin, autant d’expériences qui ont profondément nourri sa vision du monde et son action.

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